SYRANO
Jamais, peut-être, Syrano n’aura autant honoré son pseudonyme : la plume est ici au service de la poésie et de la lutte. Un hymne à la liberté d’expression et de ton. Syrano reste fidèle aux convictions et à l’écriture ciselée qui ont modelé ses deux premiers albums Musiques de chambre (2006) et Le goût du sans (2009). Mais le temps d’un disque, il délaisse la chanson métaphorique pour adopter un propos plus radical et un style résolument urbain. C’est une rupture car le propos est vif, sans ambiguïté, parfois brutal, en tout cas spontané. Une création fulgurante née d’un ras-le-bol contextuel, une critique du conformisme intellectuel ambiant et de l’autocensure (Tribune). Sur le plan politique, par exemple, où l’artiste ne prend parti pour aucun camp et rejette en bloc un système déshumanisé basé sur la stratégie, les magouilles et la langue de bois (À droite! À gauche!). Mais ce troisième album s’inscrit aussi dans la continuité de ses créations car, si l’exaspération prend sa source dans l’actualité, Syrano a toujours puisé son inspiration dans une société où le sexisme (De la femme), la manipulation, le consumérisme (Les zombies) et les addictions (Extrême) agissent comme un placebo pour voiler la misère contemporaine. Syrano fait donc le choix d’entrer en dissidence dans un contexte où la liberté de penser plie(mais ne rompt pas !) devant le politiquement correct. Une prise de position et un engagement de l’artiste, qui ne se contente pas du simple rôle de baromètre de la société. À la fin de l’envoi… est un disque de hip-hop, une musique sociale, dans la lignée du blues ou du punk, un style totalement adapté au propos de Syrano, loin des clichés de la scène rap conformiste, populiste et assujettie au système. Cet album est un retour aux sources pour lui puisqu’il y invite THO (Their flag is mine) avec qui il a débuté dans le collectif Exkalibur et avec qui il a monté un projet parallèle, Concrete Factory, et Cherzo (Disques durs et disques d’or), son compagnon de scène depuis dix ans qui démarre une carrière solo. Il perpétue la tradition de la chanson à texte et se réapproprie l’esprit de révolte qu’elle défend en mêlant les samples aux guitares (Le chant des sirènes, À la poursuite du vent) ou à l’ambiance plus intimiste de la soul (Nature morte, La timidité du pin). Il rend aussi hommage à Victor Hugo, qui a toujours inspiré son travail, tant dans la passion que ses écrits dégagent que dans la radicalité et le courage de son engagement (Ceux qui vive...). Découverte du Printemps de Bourges 2004.